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29 déc. 2009

Sur les routes du Sahel, une perle : l’Amphithéâtre d’El Jem


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On ne peut visiter la Tunisie sans passer au moins une fois par le vestige romain le plus saisissant en Afrique : l’Amphithéâtre d’El Jem

En 1862 un archéologue français se pencha sur les ruines d'El Jem et nota:
"El Jem est un gros village denviron mille habitants : les maisons en sont mal construites et à un seul étage ; beaucoup sont en ruines ; mais les matériaux qui ont servi à les bâtir sont quelquefois très remarquables, ayant été enlevés soit à l’amphithéâtre, soit à d’autres monuments de l’ancienne Thysdrus, à laquelle a succédé le village actuel. Cet amas informe de maisons basses et délabrées ; du milieu desquelles s’élèvent seulement des minarets de deux petites mosquées s’étend humblement au pied des ruines colossales de l’Amphithéâtre"
extrait de Voyage archéologique dans la Régence de Tunisie de V. Guérin 1862, Paris, Plon
Les guides Bleus Hachette d'aujourd'hui, nous invite à visiter el Jem dans le cadre d’un circuit Sahel qui nous emmène visiter la côte, Monastir tout d’abord, ensuite Mahdia, puis entrant à l’intérieur du pays, El Djem. On pourrait alors vouloir pousser vers le Sud et donc la ville de Sfax pour refermer la boucle sur la Méditerranée et clore sur une note plus contemporaine ou bien ce que je vous suggère vivement, remonter vers le Nord et découvrir sans impatience la Ville Sainte de Kairouan, dont je vous parlerai prochainement.
113d293f3f6cf7101df5ea90389dc55f.jpgEn 1899 la voyageuse Isabelle Eberhardt s’émerveille du paysage dans un chapitre intitulé Un automne dans le Sahel tunisien :
«Toutes le bourgades du Sahel sont adorablement jolies, blanches comme les perles dans l’écrin de velours sombre des oliviers…tout plaît en elles jusqu’à leurs noms sonores : Ouardenine (les deux roses), Souissa (petite sousse), Menzel-bir-Taieb (le village du bon puits) Ouued Saya, Djemmal, Sidi-el Hani, El Djemm, Beni-Hassène…
La beauté de ce pays est unque sur l’âpre et splendide terre d’Afrique : tout y est doux et lumineux, et même la mélancolie des horizons n’y est menaçante ni désolée, comme partout ailleurs. L’air du Sahel est vivifiant et pur, son ciel d’une limpidité incomparable…
Au-delà de Moknine, les terrains s’élèvent, et commence un pays sauvage et étrange, où les forêts d’oliviers sont coupées parfois de grands plateaux désolés. C’est le pays d’Amira. »
Il est intéressant de voir que cette jeune femme d’origine européenne ne s’intéresse pas à cet amphithéâtre d’El-Jem. Il y a une raison à cela, elle ne venait pas en Afrique pour les vestiges romains, elle est en errance à la recherche de ses propres limites et a un appétit féroce pour connaître de l’intérieur le Monde musulman, l’âme arabe.
Nous ne sommes pas dans la même attente et l’Amphithéâtre d’El Jem est désormais un site incontournable pour qui veut comprendre l’histoire de la Tunisie dans une vision plus large incluant les strates profondes de ce pays multiculturel et millénaire.
352e882e895d7af0a15dd7707b8ea959.jpgEl Jem nous rappelle en effet que l’Ifriqiya, une fois Carthage détruite, fut l’une des provinces les plus prospères de l’Empire romain et à partir du IIIe siècle, un foyer majeur du Christianisme, pour enfin voir au VIIe siècle, s’épanouir la conquête musulmane avec Kairouan comme épicentre.
Revenons donc à El Jem : reconnu en 1979 par l'Unesco, comme "l'un des exemples les plus accomplis du type architectural romain de l'amphithéâtre, presque au même titre que le Coliséede Rome". L'Icomos, instance de choix des sites pour l'Unesco, reconnaissait également que "l'édification dans une lintaine province d'un bâtiment soigné et si complexe, destiné aux spectacles populaires, est symptômatique d'une certaine propagane romain, impériale."
El Jem est ainsi un fleuron de l'histoire patrimoniale de l'Afrique romaine et de la Tunisie.
Vous ne devez en aucun cas précipiter ou éluder la visite de ce Haut-Lieu. De forme elliptique l'amphithéâtre mesure 149 m de long et 124 m de large et 36 m de haut. On peut encore y voir aujourd'hui les fosses aux lions et un système très élaboré de canalisations d'eau de pluie et de citernes pour l'alimentation hydrique. devant soi cet écrasant édifice, vestige d'une importante cité qui comptait environ 30000 habitants dès le Ile siècle apr. J.-C. Bénéficiant à l'époque d'une position-clé en Tunisie centrale, ce carrefour routier devint une cité très prospère et le restera même après la répression qui suivit la prise de pouvoir par Gordien. Transformé par les Byzantins en forteresse, il a sevi longtemps de carrière aux populations locales; fort heureusement une excellente restauration nous permet désormais de l'admirer.
On suppose qu'il est resté entier jusqu'au XVIIe siècle.
38656399ee3c471fb4cdb0a8ac842b41.jpgLa procession dyonisiaque présentée au Musée, à la sortie de la ville sur la route de Sfax, est fort intéressante et fait partie d'un ensemble de mosaïques reconnus comme le Tigre attaquant deux Onagres ou le Génie de l'année et des saisons.
Détail d'une mosaïque provenant de la maison de la (procession dionysiaque) et datée de l'époque d'Antonin le pieux (138-161 après J.C). Elle figure le cortège divin avançant vers un autel rustique sur lequel est posé un vase à côté d'une bacchante au corps partiellement recouvert d'un voile tourmenté par le vent. Au centre, la composition montre un jeune Dionysos nu chevauchant un énorme lion. Deux satyres, vêtus d'un simple pagne, marchent l'un devant le dieu, l'autre derrière. Vient ensuite un silène ivre monté sur un dromadaire africain. (Musée d'El Jem)
L'Amphithéêtre D'EL Jem était connu en Europe dès la Renaissance. Il figure même en arrière plan d'un Portrait de Mulay Ahmed réalisé par Rubens au début du XVIIe siècle. Rubens se setait inspiré d'une composition de Jan Cornelisz Vermeyen, peintre flamand qui accompagnait Charles Quint lors de son voyage en Tunisie.
Comme les antiques voyageurs, qui accouraient pour les jeux du cirque de toutes les agglomérations de la région et assister aux spectacles, venez vous instruire au contact de ce colisée exceptionnel et puis ne ratez pas les festivités actuelles, celles du Festival International de Musiques symphoniques d'El Jem 2008 du mois de Juillet prochain, pour sa onzième édition.

PS. Nouveau classement des MUst de la Tunisie
1-La Medina de Tunis, cette "ville dans la Ville" celle de Gide,

2-Tunis en général comme le dit si bien Albert Memmi,"cinq cents pas de promenade et l'on change de civilisation",

3-Le Bleu de Sidi Bou Saïd et la carthage de Didon

4-La ville Sainte de Kairouan, celle d'Ibn Khaldoun,

5-Le Désert de Tozeur à Mededine, avec ses palmeraies, ses schotts et ses oasis, ses «Ksars et ses Ghôrfas,

6- Les Iles de Djerba et de Kerkenah

7-Le joyau de Dougga et ses monuments remarquables


8-El Jem, perle du Sahel

1 commentaire:

Hager a dit…

Je viens de lire votre texte sur le Sahel, il est fabuleux, j'aime cette région, j'y réside et j'y travaille, je suis archéologue tunisienne, je prospecte, je fouille et je met en valeurs les sites archéologiques de la région. Je vous félicite pour avoir mis le doigt sur la richesse d'une des belles régions de la Tunisie. Hajer